La TNT arrive en Afrique : qui aura le contrôle des programmes TV jeunesse ?

La TNT (Télévision Numérique Terrestre) c'est le fait de recevoir la télévision en numérique

par voie terrestre (c'est-à-dire par celles déjà utilisée pour la télévision analogique) au lieu d'utiliser un abonnement au cable ou une antenne parabolique. A partir du 17 juin 2015 la TNT devrait être installée progressivement jusqu'en 2020 sur l'ensemble du continent Africain. Certains pays ont déjà commencé à être équipé (Maroc, Algérie, Kenya) voire même sont totalement équipé (Afrique du Sud, Namibie et Zimbabwe).

Pourquoi la TNT ?

Qui dit télévision numérique dit données numériques, donc données compressibles. Ainsi les canaux de diffusion qu'elle utilise peuvent contenir plus d'information : des images haute-définition, de nombreuses chaines... Et ce n'est pas tout ! C'est aussi la technologie qui permet un accès à internet haut-débit ! Youpiiii :D Les bienfaits de la TNT ça devraient être : la réception de plus de chaines télévisées (nationales comme étrangères), l'émission d'une chaine à l'échelle continental et au delà, plus d'audience, réduction des coûts d'exploitation pour la diffusion et la transmission, plus d'emploi de la part des médias, plus de revenus pour les caisses de l'état grâce aux abonnements télé, redevance télé...

Il y a forcément un MAIS...

En effet, l'installation d'un tel outil nécessite des millions d'euros. Choses que peu de pays d'Afrique sont concrêtement en mesure d'assumer pour l'instant. Cependant, ils ont tous ratifié l'accord en 2006 devant l'Union Internationale de Télécommunications (UIT). Cet accord les engage à tout mettre en oeuvre pour recevoir la TNT à partir de juin 2015. Bon, en bons africains on s'est quand même lancé dans l'aventure juste pour le plaisr de s'éclater un peu plus!

MAIS il y a plus... En effet, la TNT permet la réception de plus de chaines dont les chaines étrangères. Mais comme l'Afrique ne propose pas assez de chaines et programmes télévisés pour remplir les canaux de diffusion, alors l'étranger se chargera de le faire. Autrement dit, on pourrait vraiment être submergé de programmes et produits étrangers !!

L'Afrique est le continent le plus jeune du monde avec plus de 466 millions de sa population âgée de moins de 15 ans !! Autant de consommateurs potentiels !!

Enfants devant la télévision à Lomé (Togo). Photo trouvée sur wikipedia

Aujourd'hui, que propose-t-on comme programme à la télévision pour le jeune public en Afrique ?

Certains pays produisent plus que d'autres des programmes de toutes sorte. Quelque soit la quantité des productions, très peu sont déstinées au jeune public. Actuellement, Canal France International (CFI) produit, diffuse des animations jeunesse et coopère avec les chaines de télévisions locales sur la structuration de leur programmes de divertissement jeunesse. Et c'est un gros tort pour les africains d'accorder aussi peu d'intérêt à sa jeunesse. Parce que d'autres promoteurs sont prêts à le faire. Par exemple, l'Organisation International de la Francophonie (l'OIF) a lancé en novembre 2014 un appel à candidature pour offrir des subventions aux réalisateurs de l'Afrique francophone qui produirait des programmes jeunesse tel les films d'animation. La grande agence française Lagardère Active et Canal + ont de grands projets pour l'Afrique et ses millions de jeunes auditeurs potentiels. Lagardère Active est déjà détenteur des chaines MCM, Canal J, Tiji, Gulli, ce qui fait de lui, le groupe audiovisuel leader en France dans les chaines déstinées au jeune public. Par ailleurs, quand on sait que les Etats-Unis et la Russie courtisent la jeunesse africaine alors que la Chine peut se féliciter d'avoir un pied ferme sur le continent, je préfère ne pas imaginer tous les projets qu'ils ont en poche pour notre avenir, c'est-à-dire les jeunes.

La réponse au titre est...

"Le contrôle, c'est nous africains qui l'avons !" Ou plutôt, c'est à nous de décider si nous voulons l'avoir. Cela fait des décennies maintenant que des centaines de réalisateurs africains tentent désespérement de créer des contenus jeunesse qui nous ressemblent, qui nous transportent dans de nouveaux monde, qui respectent nos valeurs, notre histoire, nos langues... Mais réaliser une animation demande beaucoup de temps et de l'argent. Le potentiel est là, le temps est là, c'est juste l'argent qui manque. Inutile de compter sur les chaines de télévision locales pour aider à la production locale. Acheter les productions étrangères (d'Occident ou d'Orient) leur coûte beaucoup moins cher ! Inutile de compter sur les gouvernements pour créer des politques dans ce sens : leurs priorités ne sont pas les programmes télévisés jeunesse. Pourtant, nos chaines africaines devraient s'efforcer à tenter l'aventure en tant que productrices, car c'est un investissement sur du long terme. Une série animée qui a du succès est un produit qui va se vendre à d'autres chaines sur tout le continent et au delà. ça représentera alors des revenus conséquents pour des décennies ! Et les gourvernements devraient revoir leur priorités quant au film d'animation produits localement. Par exemple, au Mali, le studio Malitoon a réalisé la série "L'Histoire du Mali", grâce entre autre au soutien de la chaine de télévision ORTM et un organisme du gouvernement (le Cinquantenaire National), le tout sponsorisé par Orange Mali. Vous imaginez une série de 22 épisodes qui retrace l'Histoire de votre pays ou du continent ? Quand on sait combien un enfant peu resté collé devant les images qui défilent... C'est juste un moyen génial pour intéresser la jeunesse à son patrimoine culturel, historique.

« La clé d'une économie c'est son industrie culturelle (...) Peut-être que c'est ce que l'Afrique n'a pas encore compris pour pouvoir aider ses propres acteurs culturels à émerger »

Pierre Sauvalle

Grâce à la Journée Découverte du Dessin Animé Africain (JDDAA) que nous avons lancé en janvier 2012, nous faisons découvrir le travail de quelques réalisateurs en projetant gratuitement leurs animations dans les centres socioculturels en France (et pas que). C'est notre façon à nous de soutenir l'industrie du dessin animé africain, car on a conscience de sa valeur et de l'enjeu qu'elle représente ! Si vous voulez avoir une idée de l'intérêt que porte le public africain à ses productions animées, je vous invite à découvrir les cartes géographiques sur cet article : Culture jeunesse Africaine : un marché d'avenir pour l'Afrique ou le reste du monde ? Le public doit comprendre que c'est lui qui a le pouvoir !

Sasa Susu

Article publié initialement le 11/04/2015. Le site P1MAfrik Anim' a été refait entièrement en juillet 2016.